Ces ateliers d’écriture ont été menés avec des élèves du lycée Perdiguier à Arles dans le cadre d’un « Bazar Etabli », dispositif d’investissement artistique d’un lieu, sur le thème du conflit.
La littérature n’avance que par conflits successifs, pire encore la poésie dont l’histoire est une pure ligne de ruptures où la violence couve sous le verbe.
On pourrait même dire que la poésie est la frange armée du langage, la ligne de front, la tranchée où se mène le combat entre la langue classique, convenue, établie, en règle, ayant ses petits papiers et ses grandes écoles et les émotions nouvelles foudroyantes, celles qui n’ont pas trouvé leurs mots, leurs voies, celles qui cherchent leurs indicibles, ce nouveau monde qui pousse ou fait irruption sous nos yeux et nos pieds, qui fissure.
Zones en friche du langage, terrain de lutte où opère la poésie, parfois de nuit, souvent clandestine, lieu où se mène le complot des nouvelles langues.
Un des autres lieux mouvant où se joue le conflit du sens reste l’oralité, la langue des jeunes, des cités, zones francophones et plus généralement la langue de tous les exclus d » l’académie. La poésie fricote, tricote son fric-frac là.
Il y a 100 ans éclatait en Europe la « grande » guerre, massacre presque industriel de la jeunesse, carnage à la chaîne, morts innommables indénombrables, et par la même occasion effondrement partiel du rêve européen de progrès et de société rationalisée.
Pendant le même temps et en résonance, à Zurich en Suisse où la guerre n’avait pas lieu, un courant littéraire explosif trans-européen voyait le jour, le dadaïsme, la dynamite dans le texte, une des plus grande violence faite à la littérature. On en ressent encore les secousses…
Harmonie du désastre, il fallait composer les ruines avec les ruines. Le texte devenait à découper, à détruire et les poètes les terroristes de la langue…
Sortez vos armes, nous allons écrire.
Première partie, écrire au couteau (écrire c’est voler à l’étalage)
Temps 1
On découpe, prélève de façon compulsive, irrévérencieuse des fragments de textes dans les livres disposés sur la table. On fonctionne par lecture immédiate, ce qui vous saute aux yeux, seule question : cela me plait, cela ne me plait pas, cela me parle, me concerne, ou pas. Sans réflexion, la réponse est intuitive. Si on détourne les yeux ce n’est pas pour nous. On ne lit pas les textes, on observe ce qui surgit, ce qui nous mord… Les premiers mots arrivés. S’ils nous plaisent on les note sinon on laisse une ou deux autres chances au livre et on le repose. On renouvelle l’opération jusqu’à obtenir 7 fragments ( plus ou moins). Opérer pendant 15 minute. On ne note pas les références, ce sont tout sauf des citations. Les fragments font entre trois mots et deux lignes.
Temps 2
Récolte.
Une fois ces bris d’obus textuels pris dans la chair de la feuille, on compose un texte « au mieux », on tisse les fragments, on conjugue les éclats. On choisit un ordre, on agence. Il faut essayer ainsi le plus de combinaisons possibles. Le premier morceau sera déterminant, ou pas. On ajoute le moins de mots possible, on peut changer les temps ou les pronoms pour harmoniser. Cet exercice se compare et se nomme également patchwork, le texte est une étoffe, les changement sont alors assimilés à des coutures et on habille arlequin ou à des cicatrices et on habille Frankenstein. 10-15 minutes.
Deuxième partie, ring surréaliste
On se met deux par deux au sein de groupe de quatre. On commence par recopier la première phrase de notre patchwork et on passe le texte à son binôme. Il en invente la suite. À chaque clap de main on échange la feuille (il soit ainsi se créer une tension-rythme) au bout de quatre cinq aller-retour on change de partenaire soit au sein d’un carré préalablement défini, soit avec tout le groupe, on peut ainsi générer un moment d’effusion panique du genre « alerte à la bombe ». Ne pas hésitez à utiliser une bombarde. Et on recommence en entamant l’échange par la deuxième phrase du texte écrit au couteau. Tout le monde écrit tout le temps dans l’appréhension hilare du gong (il ne faut pas réfléchir trop longtemps, le temps presse, je dirais 90s)
Recommencer ce processus quatre fois.